L’indemnisation des aviseurs fiscaux en France
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 juin 2019.
Instituée à l’initiative de Mme Christine Pires Beaune, à la suite de révélations concernant plusieurs affaires de fraude fiscale internationale de grande ampleur, la possibilité pour l’administration fiscale d’indemniser les informateurs en matière de fiscalité internationale, ou « aviseurs fiscaux », a été inscrite à l’article 109 de la loi de finances pour 2017 ([1]).
La possibilité d’indemniser les aviseurs fiscaux ne constitue pas une spécificité française. L’étude comparative réalisée par la mission relève que plusieurs grandes démocraties ont mis en place des dispositifs d’essence comparable, parfois très anciens.
En France, l’indemnisation des sources est d’ailleurs pratiquée au sein d’autres administrations (douane, police, gendarmerie), essentiellement à des fins de lutte contre le banditisme, les trafics, la criminalité sérielle et les homicides, et de lutte contre le terrorisme. Le terme d’«aviseur», qui figure dans les textes réglementaires pris en application de l’article 109 de la loi de finances pour 2017, provient ainsi d’une coutume de l’administration des douanes.
L’indemnisation est limitée aux seuls cas où les informations permettent d’identifier un manquement lié à une fraude ou une obligation, à l’international, de nature patrimoniale ou professionnelle : il peut notamment s’agir de cas de fausse domiciliation fiscale d’une entreprise exploitée en France, de transfert de bénéfices à l’étranger, de non-déclaration de comptes bancaires ou de contrats d’assurance-vie ouverts ou souscrits à l’étranger ou de trusts.
Le bénéfice du dispositif créé par l’article 109 de la LFI pour 2017 est incompatible avec les protections applicables aux lanceurs d’alertes, puisque ces derniers doivent agir « de manière désintéressée et de bonne foi ».
Ainsi, s’il bénéficie de la protection de son anonymat vis-à-vis des tiers par l’administration fiscale, l’aviseur fiscal ne peut pas prétendre aux protections particulières accordées aux lanceurs d’alertes (protections contre les mises à l’écart, sanctions, reclassement ou mutation, discriminations ou licenciements, notamment).
L’indemnité perçue par l’aviseur n’est pas forfaitaire, mais constitue une forme d’indexation sur les résultats. Son montant reste fixé de manière discrétionnaire et ménage une certaine souplesse pour l’administration fiscale.
Le montant de l’indemnisation est principalement fondé :
· D’une part, sur le rendement fiscal des informations, c’est-à-dire sur le montant estimé des droits et pénalités qu’il serait possible de recouvrer ;
· D’autre part, sur les risques encourus par l’aviseur.
Sont également pris en compte la nature et la complexité de l’affaire, le degré de précision des informations transmises, ainsi que la capacité de l’aviseur à fournir des informations sur le long terme.
Aucun barème ni aucune grille de rémunération publics ne sont ainsi prévus par les textes.
Le versement de l’indemnité est relativement rapide en pratique
Concernant le moment de l’indemnisation, celle-ci est versée par principe après que les droits et pénalités ont été recouvrés, mais des dérogations sont possibles.
La rédaction retenue par les textes réglementaires ne règle pas précisément ce point. Aux termes de l’arrêté du 21 avril 2017, l’indemnisation est possible pour l’aviseur ayant fourni des renseignements « ayant conduit à la découverte d’un manquement », et le montant de l’indemnité est fixé « par référence aux montants estimés des impôts éludés ».
En tout état de cause, l’indemnisation n’intervient qu’à l’issue des opérations de contrôle. Les éléments de réponse apportés par l’administration fiscale précisent que « l’indemnité est en principe versée dès lors que le Trésor a recouvré les droits résultant des renseignements acquis » ; toutefois, en fonction « de la fiabilité de l’aviseur, de la qualité des informations et des résultats financiers notifiés, l’indemnité peut être versée soit après recouvrement, soit après notification des droits et pénalités ».
Aussi l’indemnisation des aviseurs est-elle relativement rapide. Selon la complexité de l’affaire, en moyenne, entre dix-huit et vingt-quatre mois s’écoulent entre le premier contact entre l’aviseur et l’administration fiscale, et le versement de l’indemnité. À titre de comparaison, aux États-Unis, le délai nécessaire au versement de l’indemnité est bien plus long : il s’établit entre 8,1 et 9,3 années en 2018
Les résultats entre 2017 et 2019 :
Sur ces 92 demandes :
– 50 ont été classées sans suite (22 en 2017, 26 et 2018, 2 en 2019) ;
– 29 enquêtes sont toujours en cours (22 depuis 2018, 7 en 2019) ;
– 13 dossiers ont conduit à un contrôle fiscal (5 en 2017, 8 en 2018) ;
– seuls 2 dossiers ont été indemnisés à ce jour.
À ce jour, les deux procédures ouvertes ont déjà permis de recouvrer plus de 90 millions d’euros.
Les deux affaires ayant donné lieu à indemnisation étaient relatives à des affaires de dissimulation d’actifs et de non-déclaration de comptes ouverts à l’étranger. L’essentiel des droits et pénalités concerne l’impôt sur le revenu, pour 95 millions d’euros, et, de manière très marginale, l’impôt sur les sociétés.
Synthèse du rapport d’information sur les aviseurs fiscaux
Source : http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/opendata/RINFANR5L15B1991.html
([1]) Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, article 109.
([2]) Décret n° 2017-601 et arrêté du 21 avril 2017, pris pour l’application de l’article 109 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 ; arrêté du 5 mai 2017 pris pour l’application du décret précité.
([3]) Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, article 21.