Par une décision du 8 juillet 2022, la Cour administrative d’appel de Paris a infirmé l’arrêt du 6 juillet 2016 rendu par le Conseil d’État, allant ainsi à l’encontre de l’argumentation de l’administration fiscale.
Cette décision marque le retour à l’application de la jurisprudence Quemerer, qui avait été laissée à l’abandon depuis la décision du Conseil d’État de 2016.
Dans le cas d’espèce, une SA luxembourgeoise était associée à une SARL française, Lupa Immobilière France, et détenait en sus deux SA luxembourgeoises qui elles-mêmes détenaient respectivement l’intégralité des parts de deux SCI françaises.
Le 28 mars 2006, la SARL française a acquis auprès de la société mère luxembourgeoise la totalité des parts des deux SA luxembourgeoises pour un prix total de 19 345 900€.
Le 29 mars 2006, les deux SA luxembourgeoises ont réévalué les titres des deux SCI françaises en portant leur valeur totale inscrite à leur bilan, jusqu'alors fixée à 500 000€, à un montant égal au prix payé par la SARL Lupa Immobilière France pour acquérir ces sociétés, soit 19 345 900€.
Il résulte de ce calcul que la SARL Lupa Immobilière France a entendu se prévaloir de son droit à faire application de la règle du calcul des plus-values énoncée par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2000 dite « Quemener ».
À la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a estimé que la cession, de titre présentait un caractère artificiel compte tenu des modalités de paiement de l’opération et poursuivait un but exclusivement fiscal consistant à pouvoir bénéficier de la jurisprudence Quemener.
Par un arrêt du 18 juillet 2012, le Tribunal administratif de Paris à fait droit à la demande de la SARL Lupa Immobilière France visant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des majorations y afférentes auxquelles cette dernière avait été assujettie au titre de son redressement.
Par suite, bien qu’ayant modifié sa stratégie de contestation en appel en arguant cette fois-ci que la jurisprudence Quemener n’était pas applicable à une telle opération, l’administration fiscale a été de nouveau déboutée de sa demande.
Toutefois, par un arrêt du 6 juillet 2016, le Conseil d’État annule l’arrêt suscité et fait droit à la position de l’administration.
En effet, la jurisprudence Quemener repose sur le fait que la plus-value réalisée par l’associé d’une société de personnes à l’occasion de la cession de ses parts doit être calculée en ajustant leur prix de revient afin d’éviter une double imposition ou une double déduction.
Par ailleurs, les associés des sociétés de personnes étant imposables à raison des résultats réalisés par ces sociétés, puis à raison des plus ou moins-values de cession des parts, le prix de revient des parts cédées doit être majoré des bénéfices précédemment imposés au nom de l’associé et des pertes antérieures comblées par celui-ci, puis minoré des déficits qu’il a déduits et des bénéfices ayant donné lieu à une répartition à son profit.
Partant, le Conseil d’État estime que la jurisprudence Quemener ne peut s’appliquer que dans l’optique d’éviter une double imposition de la société qui réalise l’opération de dissolution.
Enfin, après renvoi, la Cour administrative d’appel de Paris a finalement établi que l’administration n’était pas fondée à remettre en cause en recourant à la procédure d’abus de droit, la déduction de la somme de 19 174 097€ de son résultat fiscal à laquelle la SARL Lupa Immobilière France a procédé au titre de l’application de la règle de calcul des plus-values énoncées par la jurisprudence Quemener, au motif que le montage en cause aurait été constitué dans l’objectif d’un abus de droit à la convention franco-luxembourgeoise.
Source : http://www.etudes-fiscales-internationales.com/archive/2016/08/06/double-exoneration-economique-et-traite-fiscal-ce-05-07-16-a-25300.html