Le Bitcoin, jeton fongible, échappait auparavant à toute qualification juridique. Or, pour pouvoir lui appliquer le régime fiscal des plus-values, il a été qualifié de « bien incorporel » pour que sa revente soit qualifiée de « bénéfice » par la loi « PACTE », insérant la définition de « jeton numérique » au sein de l’article L.552-2 du CMF. Un NFT est donc un jeton numérique, autonome par rapport au fichier numérique sous-jacent qui lui n’est pas stocké sur la blockchain. Mais la question de la fiscalité spécifique applicable aux NFTs se pose, au vu de la complexité de sa catégorisation.
Le droit considère que la législation suffit, que les titres soient dématérialisés ou tokenisés. Face au silence du législateur, il faut s’appuyer sur la législation fiscale existante lacunaire. Différents régimes seraient applicables. Faut-il imposer un titre de propriété privée numérique portant sur des droits divers, en tant qu’actif numérique, que bien meuble incorporel, ou en fonction de l’actif sous-jacent ?
I. L’obligation de déclaration des comptes de cryptomonnaies
Tout détenteur de compte de cryptomonnaies doit le déclarer, dès lors que ce compte est détenu sur un « exchange » situé à l’étranger. Le compte doit remplir deux conditions :
- Le compte doit être détenu auprès d’un acteur situé hors de France ;
- Le compte doit être « custodial » ou « dépositaire » sur un site d’échange centralisé.
Seuls ces comptes « custodials », détenteurs de cryptoactifs pour le compte d’utilisateurs doivent faire l’objet de déclaration précisant l’existence, le nom de la plateforme, son adresse et le type d’usage professionnel ou non qui en est fait, le solde du compte n’ayant pas à être déclaré. Au contraire, ne sont pas concernés par cette obligation de déclaration les comptes « non custodials » pour lesquels l’utilisateur détient lui-même la clef privée. Le non-respect de cette obligation fait courir des sanctions fiscales selon les montants des comptes. De plus, la découverte par le fisc d’un de ces comptes non déclarés peut étendre la période de contrôle de l’administration de 3 à 10 ans …
II. L’obligation de reporting annuel et automatisé des « exchanges »
L’intérêt de cacher au Trésor l’existence d’un compte « exchanges » semble minime puisque ces plateformes doivent à priori elles-mêmes l’avertir automatiquement de l’existence d’un tel compte selon l’article 242 bis du Code général des impôts (CGI). Cette disposition s’applique également aux marketplacesde NFT, car ce sont des plateformes mettant en relation acheteurs et vendeurs en vue de l’acquisition de biens incorporels
III. Une valorisation du chiffre d’affaires en euros fixée au moment de la vente
Les revenus issus de l’activité commerciale consistant en l’achat et la revente d’actifs numériques à titre habituelle sont qualifiés de BIC. Cependant, un artiste qui vend des œuvres d’art numériques hors cadre sociétal voit ses revenus issus des prix de vente qualifiés de BNC. Il sera assujetti au barème progressif de l’IR, sauf s’il a une société assujettie à l’IS, dont le régime est plus avantageux.
À compter du 1er janvier 2023, tous les bénéfices issus d’opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques seront imposés au titre des BNC sans distinction.
La valeur du chiffre d’affaires en euros est figée au moment de la vente. C’est sur cette base que le bénéfice sera imposé. Bien que la réception du montant ne soit pas génératrice d’imposition, au moment de la revente il faudra déclarer la cession d’actifs numériques qui pourra générer une plus-value à hauteur de la différence de valeur entre le moment de la réception et le moment de la revente.
IV. Les différents régimes applicables
a) Le régime fiscal de la plus-value sur les actifs numériques (article 150 VH bis du CGI)
Si un NFT est assimilé à un « actif numérique », le particulier personne physique bénéficiera du régime de neutralité permettant à ce que les échanges entre cryptoactifs, ou opérations « intercalaires », ne fassent pas l’objet d’imposition. En revanche, en cas de conversion de l’Ether en monnaie fiat comme l’euro, le vendeur se verra imposé à hauteur de la flat tax de 30 % sur cette plus-value, ce qui freine la circulation des NFTs.
L’assimilation du NFT à un « actif numérique » présente un intérêt fiscal de simplicité.
Pour autant, cela présente aussi un désavantage, car tout service d’achat ou de vente d’actifs numériques contre une monnaie ayant cours légal implique de s’enregistrer obligatoirement en tant que prestataire de service d’actif numérique auprès de l’AMF. De plus, ce régime s’applique aux particuliers et non aux professionnels qui exercent une activité à titre habituel d’achat et de revente de NFTs et de cryptomonnaies. La qualification de « professionnel » dépendra d’un faisceau d’indices relatif au comportement de la personne.
b) Le régime fiscal de la plus-value sur les actifs numériques (article 150 VH bis du CGI)
La loi visant à moderniser la régulation du marché de l’art en date du 28 février 2022 a ouvert le champ d’application des ventes aux enchères publiques aux biens meubles incorporels.
Si le NFT est assimilé à un « bien meuble incorporel », l’acquéreur sera taxé sur la cession des actifs numériques selon le régime fiscal de l’article 150 VH-bis CGI et devra remplir le Cerfa 2086.
c) Le régime fiscal des œuvres d’art (Article 150 VI et suivants du CGI)
Si le NFT associé à une œuvre d’art numérique est assimilé à une œuvre d’art, le particulier qui acquière des NFT par des actifs numériques se verra taxer au titre de la cession des actifs numériques en application du régime fiscal de l’article 150 VH-bis du CGI et devra remplir le formulaire Cerfa 2086. Pour autant, le législateur y semble réticent, la loi de finance pour 2022 l’ayant écartée. Il semble difficile de faire entrer le NFT dans la définition européenne d’« œuvre d’art », nécessitant deux conditions :
- L’œuvre doit avoir été exécutée par la main de l’artiste. En cas d’intervention d’une machine ou d’un algorithme, il ne s’agit plus d’une « œuvre d’art originale ».
- Le nombre d’exemplaires de l’œuvre d’art doit être limité. Or, la reproductibilité est facile pour les NFTs.
Un collectible ou une carte numérique resteraient difficilement assimilables à une « œuvre d’art » au sens du droit fiscal ou même du droit d’auteur. De plus, le paiement de 6,5 % sur la plus-value impliquerait que chaque achat de NFT soit générateur d’impôt, ce qui rendrait son application ingérable …
V. Et la TVA
L’application d’une TVA à 20% semble la plus probable, mais il est également envisageable de tenir compte du sous-jacent du NFT. Par exemple, des cessions ou licences de droit d’auteur pourraient se voir appliquer une TVA à 10 %, et des œuvres originales adossées à un NFT à 5,5 %.
L’application des régimes fiscaux existants aux NFT apparaît maladroite et inadaptée, et une précision du législateur serait opportune.
spurce : https://www.legavox.fr/blog/maitre-ronn-hacman/epreuve-droit-fiscal-32433.htm